Au delà des appareils photo à capteur full frame 24 x 36, certains boîtiers sont dotés de capteurs moyen format. Jusqu'à présent proposés surtout aux professionnels, ils se démocratisent de plus en plus.
Alors que l’on trouve désormais des hybrides plein format aux qualités éprouvées sortis il y a quelques années autour de 1000 euros, et que leurs grands frères des gammes professionnelles proposent des performances inédites dans tous les domaines, quelques fabricants ont fait ces dernières années le pari de l’ouverture du très exclusif moyen format à un public plus large.
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Ces dernières années Fuji, Pentax et le fabricant suédois Hasselblad notamment ont sorti des modèles plus polyvalents dont certains affichent désormais un tarif équivalent à celui du haut de gamme 24 x 36.
Ce choix constitue pour tous les aficionados de belle image une très bonne nouvelle. En effet, depuis l’avènement de l’ère numérique, le moyen format est longtemps resté extrêmement couteux et son usage a imposé un grand nombre de contraintes. Il est de ce fait très largement resté pendant de longues années l’apanage d’une frange restreinte du monde professionnel et pour l’essentiel cantonné à des pratiques statiques et le plus souvent en studio, malgré quelques rares excursions en extérieur dans des conditions très particulières. Désormais ce n’est donc plus le cas et plusieurs modèles de différents fabricants permettent à un public élargi d’envisager de nouvelles possibilités. Afin de proposer un panel, non exhaustif, des différentes possibilités offertes à coût « étudié », nous avons choisi d’utiliser en conditions extérieures trois boitiers aux profils distincts (deux hybrides et un reflex) : l’Hasselblad X1D II-50C, le Fuji GFX 50r et le Pentax 645Z.
C’est aujourd’hui assez dur à imaginer, car le 24 x 36 — souvent qualifié de « full frame » — est pour beaucoup d’utilisateurs synonyme de grande qualité en numérique. Cependant, il est historiquement considéré comme un petit format en photographie argentique. En effet, un des grands enjeux des premières décennies du XXe siècle est de produire des appareils plus maniables que les encombrantes chambres photographiques. Plusieurs constructeurs européens, japonais et américains, se lancent dans l’aventure et leurs recherches donnent naissance à une grande variété de boitiers et de pellicules. Au cours de plusieurs décennies d’innovations successives, une classification a été progressivement établie et permet de les différencier :
Essentiellement réservés aux utilisateurs très avertis depuis le développement du 24 x 36 auprès du grand public et de nombreux professionnels, l’apparition successive de boitiers moyens formats aux caractéristiques très variées ont permis des usages extrêmement divers. Du studio à la street photography, du portrait au paysage, en passant par l’architecture, nombreuses sont les images célèbres réalisées avec ces appareils souvent loués pour leur qualité d’image et leur fiabilité (ex : les photos réalisées par les premiers êtres humains sur la Lune).
À l’ère numérique, le prix du moyen format est stratosphérique
Avec l’avènement de l’image numérique, les capteurs remplacent le film et leur taille tend à se réduire. En effet, produire des surfaces sensibles de grande dimension est alors un défi technique et les coûts de recherche-développement font exploser le tarif des appareils. Lors de sa réapparition à l’ère numérique, le prix du moyen format est donc stratosphérique et, malgré une baisse tendancielle, son coût demeure très élevé et le cantonne aux prises de vues professionnelles très haut de gamme en publicité ou en mode. Pour s’en faire une idée, lorsque Pentax sort le 645D en 2010, il divise globalement par deux le coût du ticket d’entrée dans cet univers, alors que le prix de ce boitier avoisine tout de même les 10 000 euros (boitier nu).
La principale caractéristique du moyen format, et son atout déterminant, est la grande taille de son capteur. L’ensemble des boitiers moyen format permettant à ce jour à la fois un usage relativement aisé et un niveau de prix contenu, par rapport aux standards antérieurs, sont équipés du même capteur, un CMOS Sony de 50 mégapixels aux dimensions de 33 x 44 mm (format 4/3 donc), soit une surface 1,7 x supérieure au « plein format » (24 x 36 mm).
Ces dimensions lui permettent notamment de proposer un compromis résolution/dynamique supérieur au 24 x 36. La dynamique est une notion mal connue, mais fondamentale en photographie : c’est la capacité à restituer des éléments d’une scène malgré des écarts d’intensité lumineuse importants entre ses différentes zones. Un cas très courant en photo d’extérieur est la difficulté à éviter les ciels « percés » (blancs) lorsqu’on photographie avec des éléments sombres dans les premiers plans (ex : à l’ombre ou à contre-jour). Toutes choses égales par ailleurs, la dynamique est fortement déterminée par la quantité de lumière captée. Elle est donc globalement proportionnelle à la surface de chaque photosite (zone du capteur qui recueille la lumière afin de créer un pixel). C’est de ce point de vue que les dimensions supérieures de la surface sensible lui permettent de meilleures performances qu’avec des appareils plus courants dotés de capteurs plein format ou APS-C.
À titre d’exemple, voici une image réalisée avec le Fuji GFX 50r pour laquelle l’importance de la dynamique permise par le moyen format a été primordiale.
Les zones contenant de hautes lumières (comme les ciels) sont ici les principales bénéficiaires des modifications importantes réalisées en postproduction (équivalent incontournable du tirage argentique) pour parvenir à ces résultats. Sur les fichiers non retouchés, ils semblent percés en de nombreux endroits (sans autre information que du blanc) ou peu détaillés alors que grâce à la dynamique du capteur ces zones difficiles recèlent toujours des informations que la postproduction permet de faire apparaître.
Dans l’exemple ci-dessous, nous comparons les résultats obtenus dans des conditions semblables (même jour, même heure à quelques minutes près et même lieu à quelques mètres près pour des raisons pratiques) avec un très bon 24 x 36 haute définition de dernière génération, le Sony A7R IV, et le X1DII-50C d’Hasselblad.
Les fichiers ci-dessous sont des jpegs non retouchés obtenus à partir de fichier Raw afin de se situer au plus près des capacités natives des capteurs.
Les deux images ci-dessus ont été prises avec des réglages permettant d’acheminer théoriquement vers les deux capteurs le même niveau d’intensité lumineuse. Globalement, l’image issue du boitier Hasselblad est légèrement moins dense, signe d’une sensibilité native probablement un peu supérieure, mais la différence est discrète. Si les hautes lumières se situent logiquement à un niveau supérieur sur l’image issue du X1DII, la différence est nettement plus marquée dans les tons moyens (herbe) avec un rendu beaucoup plus subtil pour le boitier d’Hasselblad. La différence est également visible au niveau des ombres portées des personnages assis. Elles sont beaucoup plus détaillées dans l’image issue du capteur moyen format, signe d’une dynamique native plus importante grâce à la surface supérieure des photosites. La différence est en effet trop significative pour être uniquement due à la légère différence de sensibilité native des capteurs constatée plus haut.
Si la différence est visible sur les fichiers non manipulés, l’écart de dynamique permet également des marges de postproduction, et donc des possibilités créatives, nettement plus importante. Afin de tester les possibilités disponibles en pratique pour les usagers, nous avons choisi d’utiliser les logiciels disponibles pour chacun des deux boitiers : l’excellent Capture One pour le boitier Sony (conçu par le fabricant de boitiers moyen format Phase One et très largement répandu chez les professionnels les plus exigeants) et le logiciel propriétaire Phocus d’Hasselblad (seul à même de développer les fichiers Raw du fabricant suédois). Afin de ne pas brouiller les résultats, nous avons manipulé ici uniquement le réglage permettant de rattraper des informations dans les hautes lumières (par essence beaucoup plus délicates à rattraper que les ombres en numérique). En poussant le réglage au maximum, on s’aperçoit qu’alors même que ces zones sont plus claires sur le fichier original issu du capteur moyen format, le niveau de récupération de la densité est supérieur tout en conservant un rendu colorimétrique plus naturel (l’effet voile gris est moins marqué).
Enfin nous avons poussé les curseurs de différents réglages pour tenter d’obtenir les résultats les meilleurs résultats possibles à partir de ces images prises en conditions difficiles. On constate aisément que c’est à partir de l’image issue du boitier moyen format que la marge de correction est la plus importante.
Rappelons au passage que les trois boitiers moyen format utilisés ici sont équipés du même capteur. Malgré une électronique et un traitement propres à chaque fabricant entrainant des nuances, ils sont donc globalement capables de performances du même ordre dans le domaine de la dynamique des fichiers Raw (bruts). Pour des professionnels ou des experts parfois contraints d’opérer dans des situations délicates, c’est une sécurité non négligeable. Évidemment, c’est dans le cas d’impressions de grand format, extrêmement exigeantes, que la différence avec le 24 x 36 est la plus visible. Elle est néanmoins perceptible même sur des formats limités comme on le voit dans les exemples ci-dessus.
Souvent peu connu du grand public, signalons également que les avantages d’une dynamique élevée ne se cantonnent pas aux situations difficiles. En effet, elle permet également en situation plus standard de produire des images à la fois contrastées et détaillées dans toutes les zones de l’image. Cette caractéristique a donc un intérêt majeur en portrait ou en paysage par exemple.
La possibilité de filmer avec des appareils photo dotés de capteurs de dimensions supérieures à bien des caméras apparues à la fin des années 2000 a radicalement transformé l’univers visuel dans lequel nous évoluons. La vogue des profondeurs de champ réduites, jusque là cantonnée pour l’essentiel au cinéma et à certaines publicités très haut de gamme, ne s’est en effet toujours pas tarie.
Or, les appareils moyen format offrent désormais également la possibilité de filmer, et certains constructeurs se sont pris à rêver grâce à l’association de très grands capteurs et de l’excellent parc optique existant. Ils se sont demandés si, après la démocratisation du flou d’arrière-plan, ces appareils ne permettraient pas de renouer avec le rendu magnifique du 70 mm qui a fait le bonheur de certains grands noms du cinéma comme Sergio Leone ou, plus récemment, Quentin Tarantino.
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À ce jour, les modes vidéo des moyens formats sont toujours faméliques comparés à ceux des modèles de gammes inférieures. À rebours de la généralisation de l’UHD, ici le full HD est la définition reine (le X1DII d’Hasselblad propose tout de même un mode 2,7 K), le seul format de compression proposé est le 4:2:0-8 bits et le choix de cadence diffère un peu entre les modèles, mais globalement il est réduit à peau de chagrin. De même, l’absence de dispositif permettant la corrélation de phase sur le capteur contraint en pratique à assurer manuellement les changements de points, ce qui avec des profondeurs de champ aussi réduites relève de la gageure. Les moyens formats numériques ne permettent donc pas pour le moment de filmer aisément.
De même, malgré des annonces récentes prometteuses, aucun des boitiers disponibles à ce jour ne propose de stabilisation du capteur, élément essentiel pour filmer aisément à main levée.
Vous l’aurez compris, dans l’univers du moyen format, le maître mot n’est pas la polyvalence des boitiers. Destinés à des utilisateurs très exigeants aux pratiques spécifiques, les appareils ont des profils marqués.
Pendant longtemps, la photographie moyen format numérique s’est très largement vue cantonnée à l’univers du studio en raison de diverses contraintes techniques imposant une logistique particulière (encombrement, faible autonomie des batteries, sensibilité à la poussière, poids des fichiers trop élevé au regard des supports de stockage alors disponibles,…) et de son coût très élevé.
Les trois boitiers testés ont été conçus pour sortir de ce carcan. Nous avons donc choisi de les utiliser dans des conditions très diverses afin de voir si cette promesse a été tenue.
Afin de confronter le plus compact des trois boitiers, l’Hasselblad X1DII-50C, à un niveau d’exigence élevé, nous avons décidé de l’utiliser dans le cadre de déambulations nocturne dans Paris. Premier constat : la qualité de fabrication est élevée et le confort d’usage est nettement supérieur à celui proposé par un 24 x 36 haut de gamme. Ce confort est dû notamment à un viseur électronique aux dimensions généreuses particulièrement agréables, même lorsque la luminosité est réduite. Autre bonne surprise, l’objectif XCD 45P f/4 a été conçu pour s’accorder avec la belle étude ergonomique du boitier. L’ensemble permet une réduction de l’encombrement inédite en moyen format (supérieur à celui d’un hybride 24 x 36 doté d’une focale fixe lumineuse, mais inférieur à celui d’un reflex pro plein format), un régal.
Sans surprise, la qualité d’image est au rendez-vous et l’appareil se montre très à l’aise en prises de vue d’architecture urbaine.
Hormis la taille du capteur, qui permet à la fois de profiter d’une résolution très élevée et d’une dynamique confortable, la possibilité d’enregistrer les fichiers Raw en 16 bits est également un élément important. En effet, elle est aujourd’hui largement absente du 24 x 36 comme des deux autres boitiers moyen format (le Fuji GFX 50R et le Pentax 645Z) dont les fichiers bruts sont codés sur 14 bits. Cela peut sembler minime, mais en réalité une différence de deux bits à l’enregistrement d’une information est considérable : pour chaque bit supplémentaire, on double le nombre de valeurs théoriques possibles sur chacune des trois couches RVB. Cette richesse colorimétrique supplémentaire est un atout dans de nombreux domaines photographiques (ex : paysage ou nature morte) et permet de disposer d’une latitude encore plus importante en postproduction.
La présence d’un obturateur mécanique central dans les objectifs lui permet par ailleurs une synchro-flash maximale de 1/2000 e de seconde. Sans égaler les meilleurs dos haut de gamme spécialisés du point de vue de la définition (au coût très largement supérieur), un usage en studio est donc parfaitement envisageable, d’autant plus que la définition de son capteur reste généreuse.
Si le X1DII-50C excelle dans certains domaines fondamentaux, quelques caractéristiques permettent d’entrevoir ce qu’il ne peut pas faire. Ainsi, comme c’est également le cas avec les boitiers équipés de dos numériques amovibles de la marque, l’autofocus est ici loin d’être aussi performant qu’en 24 x 36, notamment lorsque la luminosité diminue. Dans ce domaine, les deux autres appareils testés font mieux. Avec le X1DII, l’utilisateur est emmené vers une autre pratique posée et réfléchie. Il fera donc des merveilles en nature morte, en paysage, en architecture ou en portrait posé. Par contre, la photographie de sujets mouvants reste ardue. Si nous avons pu nous essayer à la photo de rue, seules les situations permettant un temps d’anticipation nécessaire au calage de la mise au point ont pu donner des résultats satisfaisants.
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